Obligation pour les créanciers de déclarer leurs créances inscrites sur l’immeuble saisi, dans le délai légal, sous peine de déchéance de leur sûreté

Source LEXBASE du 05.10.2017

A peine de déchéance du bénéfice de leur sûreté pour la distribution du prix de vente de l’immeuble, les créanciers doivent déclarer dans le délai de deux mois à compter de la dénonciation du commandement de payer valant saisie, les créances inscrites sur le bien saisi en principal, frais et intérêts échus, avec indication du taux des intérêts moratoires, par acte d’avocat déposé au greffe du juge de l’exécution et accompagné d’une copie du titre de créance et du bordereau d’inscription.

La partie poursuivante notifie, dans les deux mois suivant la publication du titre de vente, une demande de déclaration actualisée des créances aux créanciers inscrits ainsi que, si elle en a connaissance, aux créanciers énumérés à l’article 2375 du Code civil.

Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendue le 28 septembre 2017 (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-17.010)

Dans cette affaire, M. V. ayant engagé des poursuites de saisie immobilière à l’encontre de M. E. et de Mme A., la banque a déclaré être titulaire d’une créance inscrite sur le bien saisi. A l’audience d’orientation, M. E et Mme A. ont contesté la validité de cette déclaration de créance. Pour prononcer la nullité de la déclaration de créance de la banque, la cour d’appel (CA Nîmes, 18 février 2016, n° 15/05101) a retenu par motifs propres et adoptés qu’elle ne justifie ni de l’exigibilité de sa créance, ni d’un décompte actualisé au jour de la déclaration.

La décision est censurée par la Cour de cassation qui juge qu’en statuant ainsi, alors, qu’à peine de déchéance du bénéfice de sa sûreté, tout créancier inscrit doit déclarer sa créance, peu important qu’elle ne soit pas exigible et que le décompte de sa créance ne soit pas actualisé au jour même de sa déclaration, la cour d’appel a violé les articles L. 331-2, R. 322-7, R. 322-12 et R. 332-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

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Précisions sur le point de départ du nouveau délai de péremption en cas de suspension d’instance

La péremption est une sanction intervenant lorsqu’aucune des parties à l’instance n’a accompli de diligences durant deux années consécutives.

Selon les dispositions de l’article 392 du Code de procédure civile :

« L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.

Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement ».

La question du point de départ du nouveau délai de péremption avait pu être légitimement posée à la Cour de cassation : s’agissait-il de la survenance de l’évènement ayant justifié le sursis à statuer ou de la connaissance de ce dernier par les parties?

La haute juridiction avait retenu la première solution (Cass.2e civ., 15 septembre 2005, n° 03-20.037 : JurisData n° 2005-029693).

Cependant, cet arrêt précisait que les parties « avaient été informées de la décision pénale dans des conditions qui leur auraient permis d’effectuer des diligences interruptives de péremption« , de sorte que le problème lié à l’absence de connaissance de la survenance de l’évènement ayant justifié le sursis n’avait pas d’impact sur l’issue du litige.

La haute juridiction a toutefois tranché cette problématique par un arrêt du 3 septembre 2015.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. X… a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contester la validité d’un congé que lui a signifié Mme Y… aux fins de reprise au profit de son fils de parcelles de terre louées suivant un bail à long terme consenti par ses parents depuis décédés.

Par jugement du 20 octobre 2006, le tribunal a sursis à statuer jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel de Douai, saisie de l’appel interjeté contre le jugement d’un tribunal de grande instance ayant ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession des parents défunts;

Cet arrêt a été rendu le 12 mars 2007.

Le 3 mars 2010, Mme Y… a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reprise d’instance de conclusions tendant à voir constater la péremption de l’instance au 12 mars 2009 ;

L’incident de péremption avait été rejeté par jugement du 4 mai 2010, le tribunal paritaire des baux ruraux a annulé le congé par jugement du 9 mars 2011 ; que Mme Y… a interjeté appel des deux jugements ;

Selon la Cour d’appel, aucune péremption d’instance ne pouvait être retenue pour les motifs ci-après :

« Il est constant que X n’était pas partie à la procédure dont la cour d’appel était saisie qui concernait exclusivement ses bailleurs et les droits des indivisaires dans la succession de leurs parents en sorte qu’il ne pouvait suivre ladite procédure et être informé des dates d’audience et de délibéré seule la partie adverse ayant reçu les informations nécessaires, qu’il n’avait par conséquent pas la possibilité d’avoir connaissance de la survenance de l’événement constituant le point de départ du nouveau délai de péremption.

Il en résulte que ce délai n’a pu courir à l’encontre de X qu’à compter de la date où il a eu officiellement connaissance de l’arrêt rendu, qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier qu’il ait eu connaissance de l’arrêt avant la reprise d’instance par la bailleresse, d’où il suit que l’exception de péremption d’instance doit être rejetée » (C.A., Douai, 30 juin 2011, n° 11/01974).

Tel n’a pas été l’analyse de la Cour de cassation selon laquelle

« en statuant ainsi, tout en constatant que dans l’instance ayant provoqué le sursis à statuer, la décision de la cour d’appel de Douai était intervenue le 12 mars 2007, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, tenant à la connaissance par la partie à laquelle on oppose la péremption, de l’événement mettant fin au sursis-à-statuer, a violé le texte susvisé « (C. Cass, 2e civ. , 3 septembre 2015, n° 14-11.091, JurisData n° 2015-019446).

Au cas d’espèce, M. X ne pouvait pas connaître la réalisation de l’évènement ayant justifié la suspension d’instance, soit l’arrêt de la Cour d’appel de DOUAI.

La Cour de cassation fait pourtant le choix de la sévérité en s’en tenant strictement à la lettre de l’article 392 du Code de procédure civile précité : le nouveau délai de péremption d’instance court à compter de la survenance de l’évènement ayant justifié le sursis à statuer, que les parties en aient eu connaissance ou pas.

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Le délai de contredit ne court qu’à compter de la notification rectificative en cas de mention erronée des voies de recours ouvertes contre le jugement

Le contredit de compétence est la procédure par laquelle une partie défère à la Cour d’appel la décision rendue par la juridiction du premier degré sur sa propre compétence.

L’article 82 du Code de procédure civile dispose en ce sens :

« Le contredit doit, à peine d’irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci.

Si le contredit donne lieu à perception de frais par le secrétariat, la remise n’est acceptée que si son auteur a consigné ces frais.

Il est délivré récépissé de cette remise« .

Toutefois, quel est l’impact d’une mention erronée relative aux voies de recours ouvertes contre la décision sur le délai de contredit ?

C’est la question à laquelle a dû répondre la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2016.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. X., salarié de la société MP., a démissionné le 24 avril 2008, pour être engagé par une société de droit suisse.

Après la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes dirigées contre son ancien employeur.

Par jugement d’incompétence du 11 mai 2012, dont la date de prononcé a été portée à la connaissance des parties par leur émargement sur les notes d’audience, le conseil de prud’hommes a dit que les demandes de l’intéressé n’étaient pas recevables devant lui et renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Le greffe a notifié ce jugement à M. X. le 15 mai 2012, par une lettre mentionnant qu’il était susceptible d’appel.

Une notification rectificative a été reçue par Mme X le 22 mai 2012, indiquant que la voie de recours ouverte était en réalité le contredit, la juridiction n’ayant pas statué au fond.

Mme X, qui avait interjeté appel le 22 mai 2012, a formé le 29 mai 2012 un contredit reçu au greffe le 31 mai 2012.

La cour d’appel a estimé que le contredit était tardif, le délai de 15 jours étant expiré, au motif que, les parties ont bien eu connaissance de la date à laquelle le jugement serait rendu et que l’erreur sur les modalités de notification étant inopérante.

Saisie de cette problématique, la Cour de cassation en a rendu une analyse différente :

« pour déclarer irrecevable comme tardif le contredit, l’arrêt retient que, lorsque les parties ont eu connaissance, comme en l’espèce, de la date à laquelle le jugement serait rendu, le délai pour former contredit court à compter du prononcé du jugement, l’erreur sur les modalités de notification étant inopérante ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que le greffe du conseil de prud’hommes avait d’abord notifié le jugement à M. X… en mentionnant l’appel comme voie de recours, de sorte que le délai de quinze jours pour former contredit n’avait couru qu’à compter de la notification rectificative, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». (C. Cass, Ass. Plen. 8 avril 2016 n° 14-18.821)

Ainsi, le délai de contredit, dans l’hypothèse d’une erreur contenue dans la notification du jugement relative aux voies et délais de recours, ne courra qu’à compter de compter de la notification rectificative.

L’Assemblée plénière amende ainsi sa jurisprudence antérieure en affirmant que, dans une telle hypothèse, le délai ne court pas

La Cour de cassation estimait en effet jusqu’alors, saisi de problématiques identiques que :

 « la Cour d’appel n’aurait pu, a peine de porter atteinte aux droits de la défense, refuser d’admettre qu’une telle erreur avait pour effet de suspendre le délai du contredit ; mais attendu qu’après avoir rappelé qu’aux termes de l’article 82 du nouveau code de procédure civile ; le contredit doit, a peine d’irrecevabilité, être remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci, l’arrêt énonce, a bon droit, que la notification qui a eu lieu n’étant pas prévue par les textes, ne pouvait créer de droits et que la partie adverse n’était pas responsable d’une notification qui n’était pas son fait ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé » (cass. Civ. 2, 19 mai 1980, n° 79-10319  plus récemment Cass. civ. 2, 10 avril 2014, n° 12-35.320).

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