Une période d’astreinte doit-elle être considérée comme du temps de travail effectif ?

Une astreinte est une période pendant laquelle l’agent, sans être sur son lieu de travail, doit pouvoir se rendre immédiatement disponible si son administration le sollicite.

C’est la raison pour laquelle certaines administrations peuvent mettre à disposition des logements à proximité ou sur le lieu de travail de l’agent afin de lui permettre une plus grande réactivité en cas de besoin.

Fort de cette situation, Mme A, travaillant en établissement hospitalier, considérait que le fait d’être à la disposition de son administration dans un logement situé sur son lieu de travail devait permettre de considérer que l’intégralité de son temps d’astreinte pouvait être qualifié de travail effectif.

Saisi de cette question, la Cour administrative de NANTES a jugé que tel n’était pas le cas

Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction a estimé que durant ces périodes, elle n’était pas à la disposition permanente de son employeur et bénéficiait donc de temps libre (CAA Nantes, 3ème ch., 10 décembre 2015, n° 14NT01615).

La haute juridiction a suivi ce raisonnement puisque, selon elle :

« Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que les périodes d’astreinte effectuées par Mme A…dans le logement mis à disposition par le centre hospitalier de Vire dans l’enceinte de l’hôpital ne constituaient pas du temps de travail effectif, alors même que, compte tenu de la brièveté du temps d’intervention exigé d’elle en cas d’urgence, elle n’avait d’autre possibilité que d’effectuer ces périodes dans ce logement, la cour, qui a relevé que l’intéressée n’était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et pouvait, en dehors des temps d’intervention, vaquer librement à des occupations personnelles, n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; que, par ailleurs, les termes utilisés dans la fiche de poste de Mme A… étaient dépourvus d’incidence sur la qualification de son temps de travail, à laquelle la cour devait procéder au regard des seules dispositions réglementaires citées ci-dessus ; que la cour pouvait enfin, contrairement à ce qui est soutenu, juger, sans erreur de droit, que les périodes d’astreinte litigieuses n’avaient pas à être requalifiées, du fait de la fréquence des interventions que Mme A…a été amenée à effectuer durant les heures comprises entre 23 heures et 8 heures, en temps de travail effectif » (C.E., 4ème chambres réunies, 13/10/2017).

Ainsi, les périodes d’astreinte, en dehors des appels de l’administration, ne peuvent être considérées comme des périodes de travail effectives malgré leur caractère assurément contraignant.

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Précisions sur les conditions de saisine du juge par les associations professionnelles militaires

Au terme des dispositions de l’article L. 4121-4 du Code de la défense :

« L’exercice du droit de grève est incompatible avec l’état militaire.

L’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l’adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.

Les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires régie par le chapitre VI du présent titre, y adhérer et y exercer des responsabilités.

Il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance ».

L’article L. 4111-1 4ème alinéa du Code de la défense dispose quant à lui :

« La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, ainsi que les conditions de départ des armées et d’emploi après l’exercice du métier militaire ».

Les militaires peuvent donc se constituer en associations par le biais desquelles il leur est possible de contester des décisions relatives à la condition militaire, telle que définie supra.

Toutefois, une association qui ne serait pas uniquement composée de militaires en activité pourrait-elle saisir un tribunal administratif ?

Tel n’est pas le cas selon le Conseil d’Etat.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Une association de militaires a ouvert son objet, par une assemblée générale extraordinaire, à l’aide aux victimes servant ou ayant servi l’Etat sous l’uniforme.

Les statuts prévoyaient en conséquence que pouvaient intégrer l’association  » les personnes physiques ou morales ayant adhéré aux présents statuts et qui sont à jour de leur cotisation « .

En d’autres termes, l’adhésion n’était pas formellement limitée aux militaires en activité.

Cette association avait formé un recours à l’encontre d’un acte réglementaire relatif aux modalités de recrutement des militaires servant à titre étranger.

Saisi de la requête, le Conseil d’Etat a estimé que :

 « Ces associations professionnelles, qui disposent de la capacité de présenter des recours contre les actes réglementaires intéressant la condition militaire, ne peuvent être constituées que de militaires au sens de l’article L. 4111-2 du code de la défense ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des associations auxquelles n’adhéreraient pas des militaires en activité forment des recours contre des actes réglementaires intéressant la condition militaire dès lors qu’elles y ont un intérêt, elles s’opposent toutefois à ce que le juge administratif puisse être régulièrement saisi de requêtes présentées par des associations dont certains membres sont des militaires en activité et dont l’objet ou l’un des objets est la défense des intérêts professionnels des militaires en activité alors qu’elles ne seraient pas constituées conformément aux dispositions des articles L. 4126-1 et suivants du code de la défense » (C.E., 26 septembre 2016, req. n° 393738).

Ainsi, pour pouvoir ester en justice à l’encontre d’une décision portant sur la condition militaire, l’association ne doit être composée que de militaires en activité, au sens des dispositions de l’article L. 411-2 du Code de la défense, selon lequel :

« Le présent livre s’applique aux militaires de carrière, aux militaires servant en vertu d’un contrat, aux militaires réservistes qui exercent une activité au titre d’un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité et aux fonctionnaires en détachement qui exercent, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées.

Les statuts particuliers des militaires sont fixés par décret en Conseil d’Etat. Ils peuvent déroger aux dispositions du présent livre qui ne répondraient pas aux besoins propres d’un corps particulier, à l’exception de celles figurant au titre II et de celles relatives au recrutement, aux conditions d’avancement et aux limites d’âge ».

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Obligation de l’administration de chercher à reclasser un agent avant de pouvoir le licencier : inapplicabilité aux fonctionnaires stagiaires dont l’emploi est supprimé

Dans un arrêt du 25 septembre 2013, le Conseil d’Etat a établi le principe au terme duquel l’administration a l’obligation de chercher à reclasser un agent avant de pouvoir le licencier :

« Il résulte toutefois d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant, de chercher à reclasser l’intéressé » (CE, 25 septembre 2013, n° 365139).

La question de la transposition de ce principe aux agents stagiaire s’est récemment posée.

Par un arrêt du 20 octobre 2014,  la Cour administrative de DOUAI a estimé qu’un arrêté mettant fin au stage et prononçant le licenciement de l’agent sans que l’établissement publique n’établisse, ni même n’allègue, avoir cherché, en son sein, à reclasser l’intéressé dans un emploi de niveau équivalent, ni que le reclassement s’avérait impossible, est illégal.

« Considérant qu’il résulte toutefois d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que le statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu’il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un fonctionnaire stagiaire de chercher à reclasser l’intéressé ; que la mise en œuvre de ce principe implique que l’administration, lorsqu’elle entend supprimer cet emploi pour des motifs d’économie, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou à défaut d’un tel emploi, et si l’intéressé le demande, tout autre emploi ; que l’agent stagiaire ne peut être licencié que si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant ou si l’intéressé refuse la proposition qui lui est faite » (C.A.A. DOUAI, 30 mai 2014, n° 13DA00878).

La haute juridiction, saisie de cette question, n’a pas suivi la position de la Cour de DOUAI puisqu’elle a estimé que L’obligation faite à l’administration de chercher à reclasser un agent avant de pouvoir le licencier ne s’appliquait pas aux fonctionnaires stagiaires dont l’emploi est supprimé selon les termes ci-après :

Si, en vertu d’un principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l’emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique, qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, il incombe à l’administration avant de pouvoir prononcer le licenciement de proposer à l’intéressé un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, de tout autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer le licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ce principe général ne confère aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, aucun droit à être reclassés dans l’attente d’une titularisation en cas de suppression de leur emploi. En revanche, lorsqu’il est mis fin au stage par l’autorité territoriale en raison de la suppression de l’emploi ou pour toute autre cause ne tenant pas à la manière de servir, le fonctionnaire territorial stagiaire est, le cas échéant, en application de l’article 44 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, réinscrit de droit, à sa demande, sur la liste d’aptitude prévue à cet article (CE 3° et 8° ch.-r., 5 octobre 2016, n° 386802).

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Sur les modalités de rémunération du fonctionnaire ne pouvant être immédiatement réintégré après la fin d’un détachement

Le détachement est une situation dans laquelle un fonctionnaire se trouve placé, à sa demande ou à l’initiative de l’administration, dans un corps ou un cadre d’emplois différent de son corps ou cadre d’emplois d’origine.

Dans cette hypothèse, il exerce ses fonctions et est rémunéré selon les règles applicables dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil.

Dans ces conditions, qui doit assurer le traitement du fonctionnaire lorsque, à la fin de son détachement, sa réintégration dans son administration d’origine est momentanément impossible.

Le Conseil d’état, dans un arrêt du 21 octobre, est venu apporter des précisions sur ce point.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. X a été placé en situation de détachement auprès d’un organisme d’accueil.

Ledit organisme, ainsi que M. X ont demandé à l’administration d’origine de mettre fin à son détachement, de le réintégrer et de le reclasser.

Une telle demande a été refusée.

L’administration d’accueil a donc saisi le tribunal administratif d’une demande tendant à l’annulation de ce refus et à ce que l’Etat lui verse une indemnité en remboursement des rémunérations versées à M. X à la suite de ce refus.

Pour rejeter cette requête, la Cour administrative a jugé qu’elle n’était pas recevable, dès lors que celle-ci avait le pouvoir de décider elle-même de mettre fin au détachement de l’intéressé selon les termes ci-après :

« Considérant que par le courrier en date du 22 novembre 2011, le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand se borne à informer le conseil régional d’Auvergne qu’il ne souhaite pas mettre fin au détachement de M. C…de sa propre initiative, tout en lui rappelant qu’il pouvait lui-même mettre fin à son détachement ; que le conseil régional d’Auvergne disposant de la faculté de mettre fin lui-même au détachement de M.C…, n’est pas recevable à présenter au contentieux une demande tendant aux mêmes fins ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le conseil régional d’Auvergne n’est pas fondé à se plaindre que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation du courrier en date du 22 novembre 2011 par laquelle le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand a refusé de mettre fin au détachement de M.C. »(CAA Lyon, 3ème ch., 18 mars 2014, n° 13LY00481)

Pour le Conseil d’Etat, en retenant un tel motif, la cour a commis une erreur de droit :

« En vertu des dispositions de l’article 3 du décret du 30 décembre 2005 relatif au détachement sans limitation de durée de fonctionnaires de l’Etat en application de l’article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il peut être mis fin au détachement de fonctionnaires de l’Etat, détachés en application de l’article 109 de la loi du 13 août 2004, dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l’article 24 du décret du 16 septembre 1985 pour les détachements de courte ou de longue durée, aux termes duquel :  » Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l’arrêté le prononçant soit à la demande de l’administration ou de l’organisme d’accueil, soit de l’administration d’origine. / Lorsqu’il est mis fin au détachement à la demande de l’administration ou de l’organisme d’accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d’origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l’administration ou l’organisme d’accueil jusqu’à ce qu’il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d’origine. / Le fonctionnaire peut également demander qu’il soit mis fin à son détachement avant le terme fixé par l’arrêté le prononçant. Il cesse d’être rémunéré si son administration ne peut le réintégrer immédiatement : il est alors placé en position de disponibilité jusqu’à ce qu’intervienne sa réintégration à l’une des trois premières vacances dans son grade « .

Il résulte de ces dispositions que l’administration d’origine, en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination, est seule compétente pour mettre fin au détachement avant le terme fixé. Saisie d’une demande en ce sens du fonctionnaire intéressé ou de l’administration ou de l’organisme d’accueil, elle est tenue d’y faire droit. Si elle ne peut le réintégrer immédiatement, le fonctionnaire continue à être rémunéré par l’administration ou l’organisme d’accueil jusqu’à ce qu’il soit réintégré, à la première vacance, si la demande de fin de détachement émanait de cet administration ou organisme d’accueil ; il cesse d’être rémunéré et est placé en position de disponibilité jusqu’à ce qu’intervienne sa réintégration à l’une des trois premières vacances dans son grade, si la demande émanait de lui » (C.E., 21 octobre 2016, n° 380433).

Ainsi, il ressort de cet arrêt que :

  • Si la demande de fin de détachement émane de l’administration ou de  son organisme d’accueil, le fonctionnaire continue à être rémunéré par ces derniers et ce jusqu’à la première vacance d’emploi ;
  • Si la demande de fin de détachement émane directement du fonctionnaire,  il n’est plus rémunéré et sera placé en position de disponibilité jusqu’à ce qu’intervienne sa réintégration à l’une des trois premières vacances dans son grade.
  • Si la fin du détachement peut être sollicitée par l’administration ou l’organisme d’accueil, elle ne peut, en revanche, être prononcé que par l’administration d’origine de l’agent.

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L’incapacité d’un directeur à gérer ses agents est un motif de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle

L’insuffisance professionnelle est caractérisée par un comportement général ou plus particulier de l’agent, traduisant une inaptitude à répondre correctement aux missions qui lui sont confiées, nuisant à l’intérêt du service, se manifestant fréquemment par des carences professionnelles et des difficultés relationnelles rencontrées par l’agent avec l’autorité hiérarchique, ses collègues et les usagers du service public.

Ainsi, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent peut intervenir malgré des compétences techniques non contestées, dans l’hypothèse où des difficultés relationnelles mettent en péril le bon fonctionnement du service public.

C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 20 mai 2016.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Un directeur de la culture d’une communauté urbaine a fait l’objet d’un licenciement fondé sur son incapacité à développer des relations de travail adéquates avec ses équipes, alors même que ses compétences techniques n’aient jamais été mises en cause

Ses fonctions, de nature essentiellement managériale, exigeaient en effet des qualités professionnelles de gestion, de communication et de dialogue.

Saisi de cette problématique, la haute juridiction a rappelé que :

« Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour licencier M. A. pour insuffisance professionnelle, le président de la communauté urbaine de Strasbourg s’est fondé sur son incapacité à développer des relations de travail adéquates avec ses équipes, cette insuffisante compétence managériale étant susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service public ; qu’alors même que la communauté urbaine de Strasbourg ne contestait pas les connaissances techniques de l’intéressé en matière d’action culturelle, la fonction de directeur de la culture exercée par M. A., de nature essentiellement managériale, ainsi que la mission de réorganisation et de rationalisation du service culturel qui lui était également confiée exigeaient des qualités professionnelles de gestion, de communication, de dialogue et de conduite du changement, ainsi d’ailleurs que sa fiche de poste le mentionnait ; que les carences ainsi relevées dans la manière de servir de M. A., de nature à établir son incapacité à remplir les fonctions qui lui avaient été confiées par la communauté urbaine de Strasbourg, étaient corroborées par des témoignages versés au dossier soumis aux juges du fond ; que, par suite, en jugeant que la manière de servir de M. A. n’était pas de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis (…) » (CE 3° et 8° ch.-r., 20 mai 2016, n° 387105).

Les difficultés relationnelles d’un Directeur de service avec son équipe peuvent donc justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, sans qu’il ne puisse être allégué d’une sanction disciplinaire, du moment que la nature de ses fonctions nécessitent des qualités managériales et que la situation de conflit avérée porte atteinte au fonctionnement du service public.

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Un agent public suspendu peut-il continuer à exercer son mandat syndical ?

Mme X, titulaire de la fonction publique territoriale, employée au sein d’un office public de l’habitat où elle est déléguée syndicale, a fait l’objet d’une suspension temporaire de ses fonctions.

Par une décision de septembre 2015, elle a fait l’objet, compte tenu de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, d’une exclusion  temporaire de deux ans.

Par une ordonnance du 9 décembre 2015, le juge des référés a rejeté la demande de suspension de ladite sanction.

Par un courrier de juin 2015, il était notifié à Mme X l’impossibilité de se rendre sur son lieux de travail ainsi que d’assister aux réunions du comité d’entreprise, rendant impossible l’exécution de ses fonctions syndicales.

Par ordonnance, le juge des référés rejetait sa requête visant à obtenir la suspension de la décision de juin 2015 et à ce que soit enjoint à l’administration de la réintégrer dans ses fonctions syndicales, au motif que l’urgence n’était pas démontrée.

Le Conseil d’Etat a donc été saisie de cette problématique, et a rendu à ce titre un arrêt extrêmement éclairant.

La haute juridiction, pragmatique, a donc examiné les différentes dispositions applicables au cas d’espèce en matière de mandat syndical :

Au terme des dispositions des articles L. 2314-15 et 2314-16 du Code du travail, sont éligibles aux fonctions de délégué du personnel et aux comités d’entreprise des offices publics de l’habitat les salariés de ces offices âgés de dix-huit ans révolus, n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques et y travaillant depuis un an au moins.

En vertu des dispositions des articles L. 2314-26 et L. 2324-24 du Code du travail, les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise sont élus pour 4 ans, pour un mandat renouvelable et leurs fonctions prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour être éligibles.

Selon les dispositions de l’article 10 du décret du 8 juin 2011 :

« Le droit syndical s’exerce dans les offices publics de l’habitat en application des dispositions du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des dispositions du présent titre et du titre III du présent décret.

Les dispositions du présent décret ne font pas obstacle à l’application d’un accord prévoyant des conditions plus avantageuses pour l’exercice du droit syndical, conclu entre le directeur général d’un office public de l’habitat et les organisations syndicales représentatives ».

Enfin, l’article L. 2143-1 du Code du travail dispose :

« Le délégué syndical doit être âgé de dix-huit ans révolus, travailler dans l’entreprise depuis un an au moins et n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques (…) ».

La haute juridiction tire comme conséquence de cet examen le considérant suivant :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions applicables aux personnels des offices publics de l’habitat qu’une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire des fonctions professionnelles d’un agent public investi de mandats représentatifs ou syndicaux n’est pas au nombre des cas dans lesquels la loi prévoit la cessation ou la suspension des mandats représentatifs et syndicaux de l’agent concerné ; que, si l’office public de l’habitat soutient que l’intérêt du service justifierait la suspension de tous les mandats de Mme B. et l’interdiction d’accès aux locaux professionnels qui lui a été opposée, aucun des faits invoqués pour motiver la sanction du 22 octobre 2015 infligée à Mme B., et notamment pas celui relatif au financement d’un voyage du comité d’entreprise, n’est de nature à justifier l’interdiction d’accès aux locaux pour exercer ses mandats ; qu’il résulte de ce qui précède que Mme B. est fondée à soutenir qu’en décidant la suspension de ses mandats représentatifs et syndicaux et en lui interdisant, pour leur exercice, d’accéder aux locaux professionnels, l’office public de l’habitat d’Aulnay-sous-Bois a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » (C.E., 5 février 2016, n° 396431)

L’intéressée est donc fondée à soutenir qu’en décidant la suspension de ses mandats représentatifs et syndicaux et en lui interdisant, pour leur exercice, d’accéder aux locaux professionnels, l’OPH a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

La suspension de fonctions n’emporte donc pas, ipso facto, une suspension des fonctions syndicales de l’agent public.

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Sur l’absence d’obligation de l’administration de faire connaître une vacance d’emploi en l’absence d’intention de le pourvoir

Au terme des dispositions de l’article 61 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 :

« les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu’elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés« ,

Cet article induit-il cependant un délai au cours duquel l’administration aurait l’obligation de faire connaître cette vacance d’emploi, ou, dans le même sens, de procéder à une nomination ?

C’est ce que soutenait le syndicat national C.G.T. des Chancelleries et services judiciaires qui demandait l’annulation pour excès de pouvoir de la circulaire n° SJ-A5-54-RHG1 du 23 février 2015 relative aux mutations et à l’avancement des greffiers en chef des services judiciaires, de la circulaire n° SJ-15-217-RHG1 du 22 juillet 2015 relative aux mutations, réintégrations, détachements et avancement au premier grade des greffiers en chef des services judiciaires et de la circulaire n° SJ-15-228-RHG1 du 30 juillet 2015 relative aux mutations des greffiers, chefs de greffe, dans le cadre de la commission administrative paritaire fermée du 6 novembre 2015 .

Selon ce syndicat, la ministre de la justice aurait illégalement omis de faire connaître la vacance de certains postes de greffier en chef, entachant de ce fait les circulaires précitées d’illégalité.

Tel n’a pas été l’interprétation faite par le Conseil d’Etat, selon lequel :

« si une nomination sur un emploi vacant doit, à peine d’irrégularité, être précédée d’une publicité de la vacance de cet emploi et s’il incombe à l’autorité compétente de faire connaître la vacance d’un emploi dès qu’elle a décidé de procéder à une nomination sur cet emploi, ni les dispositions citées ci-dessus de l’article 61 de la loi du 11 janvier 1984 ni aucune autre disposition n’imposent un délai pour procéder à une nomination sur un emploi vacant ni, par suite, pour faire connaître la vacance de cet emploi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le garde des sceaux, ministre de la justice aurait illégalement omis de faire connaître la vacance de certains postes de greffier en chef et que les circulaires attaquées seraient, pour ce motif, illégales ne peut qu’être écarté » (C.E., 20 juin 2016, req. n° 389730).

Ainsi, la seule existence d’un emploi vacant ne met pas à la charge de l’administration une obligation de le porter à la connaissance de ses agents tant qu’elle ne souhaite pas pourvoir ledit emploi.

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Un fonctionnaire peut-il utiliser son droit à la formation professionnelle dans le cadre de projets personnels ?

Au terme de l’article 11 du Décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires d’Etat :

« Le droit individuel à la formation professionnelle est utilisé à l’initiative du fonctionnaire en accord avec son administration. Les actions de formation retenues à ce titre peuvent se dérouler hors du temps de service du fonctionnaire.

L’utilisation du droit individuel à la formation par le fonctionnaire peut porter sur des actions régies par les b et c du 2° de l’article 1er, inscrites au plan de formation de son administration.

Le fonctionnaire peut également faire valoir son droit individuel à la formation pour des actions mentionnées aux 3°, 4° et 5° de l’article 1er. Seuls s’imputent sur le crédit d’heures mentionné à l’article 10 les actions réalisées à la demande du fonctionnaire et les compléments de temps consacrés sur son initiative aux actions relevant du 4° et du 5° de l’article 1er.

L’action de formation choisie en utilisation du droit individuel à la formation fait l’objet d’un accord écrit entre le fonctionnaire et l’administration dont il relève.

L’administration dispose d’un délai de deux mois pour notifier sa réponse à la demande faite par l’agent. Le défaut de notification de sa réponse par l’administration au terme de ce délai vaut accord écrit au sens de l’alinéa précédent.

La faculté d’utilisation par le fonctionnaire de son droit individuel à la formation s’exerce dans le cadre de l’année civile. Lorsque, pendant une période de deux années, l’administration s’est opposée aux demandes présentées à ce titre par un agent, celui-ci bénéficie d’une priorité d’accès au congé de formation professionnelle régi par le chapitre VII du présent décret ».

Un fonctionnaire peut-il  bénéficier d’un tel dispositif pour lui permettre la réalisation de projets personnels ?

En l’espèce, un agent avait formulé une demande afin de bénéficier de son droit à la formation pour suivre une formation en boulangerie, en vue d’une reconversion professionnelle.

Il avait saisi le juge des référés du Tribunal administratif de MELUN sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, afin d’obtenir la suspension de la décision de refus qui lui avait été opposée.

Par une ordonnance n° 1600444 du 4 février 2016, le juge des référés a suspendu l’exécution de cette décision et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder à une nouvelle instruction de la demande dans un délai de quinze jours.

Saisi d’un pourvoi du ministre de l’intérieur, le Conseil d’Etat s’est prononcé de manière claire sur l’utilisation qui peut être faite du droit individuel à la formation professionnelle :

« Considérant qu’il résulte des termes mêmes de l’article 11 du décret du 15 octobre 2007 que l’utilisation du droit individuel à la formation peut porter sur des actions de formation continue portant sur l’adaptation des fonctionnaires à l’évolution prévisible des métiers, le développement de leurs qualifications ou l’acquisition de nouvelles qualifications ainsi que sur la formation de préparation aux examens et concours administratifs, la réalisation de bilans de compétences ou la validation des acquis de leur expérience mais non sur des actions de formation en vue de satisfaire à des projets personnels ou professionnels en dehors de ce contexte professionnel, de telles actions relevant d’un congé de formation professionnelle » (C.E., 2° et7° ch. r,  22 juillet 2016, n° 397345).

Ainsi, le droit à la formation professionnelle ne peut être exercé qu’en vue d’un service optimisé du service public.

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Une indemnisation en cas d’emprise irrégulière est due au propriétaire, même en l’absence de préjudice

Au terme des dispositions de l’article 545 du Code civil :

« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Si la défense de la propriété privée par le juge judiciaire est constante, la question de l’indemnisation d’un propriétaire en cas d’emprise irrégulière n’entraînant aucun préjudice pour ce dernier pouvait être posée.

Par un arrêt du 15 juin 2016 la Cour de cassation s’est prononcée de manière claire et sans équivoque à ce sujet.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

La commune de Papeete avait vendu une parcelle de terrain à une société en vue de la construction d’un ensemble immobilier ;

La société a par suite considéré que la Commune, à l’occasion de travaux d’élargissement de la voirie, avait empiété sur ladite parcelle dont une partie avait été détruite afin de réaliser les contreforts de la route située en contrebas.

La société avait donc assigné la commune devant la juridiction judiciaire aux fins d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de l’emprise irrégulière et de ses conséquences dommageables.

La Cour d’appel de Papeete avait considéré que la dépossession de la parcelle n’avait entraîné aucun préjudice pour la société, le soutènement du talus surplombant la route constituant, au contraire, une sécurité pour la résidence qu’elle a fait édifier.

En conséquence, elle avait rejeté les demandes indemnitaires formulées par la société.

Saisie du contentieux, la Cour de cassation a eu une analyse radicalement différente de celle de la Cour d’appel :

« Vu l’article 545 du code civil, applicable en Polynésie française ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;

Attendu que, pour statuer comme il a été dit, l’arrêt retient que la dépossession de la parcelle n’a entraîné aucun préjudice pour la société, le soutènement du talus surplombant la route constituant, au contraire, une sécurité pour la résidence qu’elle a fait édifier ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la seule constatation d’une emprise irrégulière ayant pour effet l’extinction du droit de propriété donne lieu à indemnisation devant le juge judiciaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (C. Cass, civ., 1er juin 2016, n° 15-21.628).

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, défenderesse de la propriété privée.

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Sur la compétence de la juridiction administrative en matière d’appel en garantie exercé par un centre hospitalier à l’encontre d’un producteur, fondé sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Quelle juridiction est compétente dans l’hypothèse où un centre hospitalier exerce un recours en garantie contre un producteur de matériel médical fondé sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil, transposant la Directive 85/374 du Conseil du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité en cas de produits défectueux ?

Le Tribunal des conflits s’est prononcé pour la première fois par un jugement du 11 avril dernier.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. X. a dû subir deux interventions chirurgicales tendant à la reprise et au remplacement de sa prothèse de genou.

Il a par suite, invoquant la défectuosité du matériel, exercé un recours indemnitaire contre le centre hospitalier qui a appelé en garantie le producteur de la prothèse.

La cour administrative d’appel a condamné le centre hospitalier à verser des indemnités à M. X en réparation de ses préjudices (CAA Lyon, 6ème ch., 12 décembre 2013, n° 13LY02237).

Elle a cependant rejeté les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que le producteur le garantisse des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement des dispositions issues de la Directive 85/374 du Conseil du 25 juillet 1985 :

« Considérant, en second lieu, que lorsqu’un établissement hospitalier utilise, dans le cadre d’une prestation de services correspondant aux soins dispensés, des appareils ou des produits défectueux dont il n’est pas le producteur au sens des dispositions de l’article 3 de la directive susvisée 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, il n’a pas la qualité de fournisseur, au sens de ladite directive, dont les dispositions ont été transposées par les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil, mais celle de prestataire de service ; que, dès lors, le centre hospitalier de Chambéry ne peut utilement se prévaloir des dispositions de ladite directive, dans le champ d’application de laquelle la prestation de service en cause n’entre pas, ni des articles 1386-1 et suivants du code civil, qui en sont la transposition, au soutien de ses conclusions tendant à ce que la société Groupe Lépine le garantisse des condamnations prononcées à son encontre, alors, au demeurant, que ces conclusions ne sont assorties d’aucune précision quant aux dispositions dont il entend demander l’application » (C.A.A. LYON, précité)

Le centre hospitalier a donc saisi le Conseil d’Etat.

La haute juridiction a, par décision du 23 décembre 2015, renvoyé au tribunal des conflits la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Selon le Tribunal des conflits :

« Considérant que, si le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, y compris lorsqu’il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée par ce dernier sur ce fondement, exercer un recours en garantie à l’encontre du producteur ;

Considérant que, selon l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence du juge administratif ; que constitue un tel litige, l’action en garantie engagée par le service public hospitalier à l’encontre d’un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture de produits dont la défectuosité de l’un d’eux a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables ; que cette action peut être fondée sur les stipulations du contrat, sur les vices cachés du produit en application des articles 1641 à 1649 du code civil ou encore sur les règles issues de la directive précitée, telle qu’elle a été interprétée par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2011 Centre hospitalier de Besançon c. Dutrueux e. n° C-495/10« (T.C., 11 avril 2016, n° 4044)

Ainsi, même si le régime de responsabilité fondé sur les dispositions des article 1386-1 et suivants du Code civil est étranger à la notion de contrat, dans le cas particulier où le service public hospitalier est lié au producteur par un contrat administratif portant sur la fourniture de matériel médical qui s’avère défectueux, son action en garantie découle de la mauvaise exécution de celui-ci et doit relever de la compétence de la juridiction administrative.

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