Rupture conventionnelle du contrat de travail et réduction du délai de préavis

L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 donne la possibilité au locataire, dans des cas bien précis, de réduire la durée de son prévis en matière de bail d’habitation :

« (…)

Le délai de préavis est toutefois d’un mois :

1° Sur les territoires mentionnés au premier alinéa du I de l’article 17 ;

En cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi ;

3° Pour le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ;

4° Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation adulte handicapé ;

5° Pour le locataire qui s’est vu attribuer un logement défini à l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation.

Le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° précise le motif invoqué et le justifie au moment de l’envoi de la lettre de congé. A défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois« .

La rupture conventionnelle d’un contrat de travail est-elle constitutive d’une « perte d’emploi » au sens des dispositions précitées, permettant au locataire de bénéficier du délai de préavis réduit?

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, au terme d’un arrêt rendu le 9 juin 2016, a tranché cette question.

Les faits de l’espèce étaient les suivants ;

M. X. avait pris à bail un logement appartenant à Mme Y.

Après avoir donné congé et libéré les lieux, il avait assigné la bailleresse en remboursement d’un trop-perçu correspondant à deux mois de loyers et en restitution du dépôt de garantie.

Mme X, s’était alors pourvue en cassation, le Tribunal d’instance ayant estimé que la situation particulière de M. X lui permettait de réduire la durée de son préavis à 1 mois.

Elle faisait grief au jugement d’accueillir la demande en restitution de deux mois de loyer, faisant valoir que le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d’un mois dans l’un des cas limitativement énumérés par la loi.

Le tribunal d’instance, ajoutant au texte applicable, aurait donc violé l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989.

L’argument est écarté par la Cour suprême selon les termes ci-après :

« attendu qu’ayant exactement retenu que la rupture conventionnelle du contrat de travail constituait une perte d’emploi au sens de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et permettait au locataire de bénéficier d’un délai de préavis d’un mois, le tribunal d’instance en a déduit, à bon droit, que la bailleresse devait restituer une somme correspondant à deux mois de loyer indûment perçus au titre du préavis« (Cass. civ. 3, 9 juin 2016, n° 15-15.175).

Mme X, bailleresse devait donc restituer la somme correspondant à deux mois de loyer indûment perçus au titre du préavis.

Au cas d’espèce, le Tribunal d’instance n’a pas, contrairement à ce que prétendait la bailleresse, ajouté à la loi mais en a fait une stricte application.

Le texte ne mentionne pas que le préavis peut être réduit en cas de « perte involontaire d’emploi », mais en cas de perte d’emploi. Une rupture conventionnelle, bien que correspondant à une volonté commune de mettre un terme à un contrat de travail, n’en reste pas moins une perte dudit emploi.

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L’obligation du représentant d’une personne morale de produire son habilitation à exercer un recours s’applique au référé-expertise

Le référé expertise est prévu par l’article R. 532-1 du Code de justice administrative, au terme duquel:

« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction.

Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l’exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à  l’état des immeubles susceptibles d’être affectés par des dommages ainsi qu’aux causes et à l’étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission.

Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d’avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère« .

La question s’est récemment posée de savoir si l’habilitation du représentant de la personne morale à ester en justice devait être produite dans le cadre de ce type de contentieux.

Le Conseil d’Etat a tranché la question de manière claire le 30 mai 2016 :

« Considérant que lorsque les dispositions ou stipulations applicables à une personne morale subordonnent à une habilitation par un de ses organes la possibilité pour son représentant légal d’exercer en son nom une action en justice, le représentant qui engage une action devant une juridiction administrative doit produire cette habilitation, au besoin après y avoir été invité par le juge ; que, toutefois, cette obligation ne s’applique pas, eu égard aux contraintes qui leur sont propres, aux actions en référé soumises, en vertu des dispositions applicables, à une condition d’urgence ou à de très brefs délais ; que tel n’est pas le cas de l’action en référé prévue par l’article R. 532-1 du code de justice administrative, qui n’est pas soumise à une condition ou délai de ce type ; qu’ainsi, en retenant que le directeur général de l’OPH Lille Métropole Habitat devait justifier de son habilitation par le conseil d’administration pour saisir le juge des référés sur le fondement de ces dispositions, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit » (CE 4° et 5° ch-r., 30 mai 2016, n° 376187, publié au recueil Lebon).

Ainsi, la dispense de production de l’habilitation du représentant de la personne morale à exercer un recours n’est pas liée à l’existence d’un référé, mais à celle de l’urgence qui le justifie.

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Sur le caractère abusif de la clause de réception tacite de l’ouvrage

Selon la Cour de cassation, la clause d’un contrat de construction de maison individuelle prévoyant une réception tacite et sans réserve du simple fait de sa prise de possession doit être réputée non écrite.

M. et Mme X. et la société A. ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans prévoyant en l’une de ses clauses que :

« Toute prise de possession ou emménagement avant la rédaction du procès-verbal de réception signé par le maître de l’ouvrage et le maître de l’œuvre, entraîne de fait la réception de la maison sans réserve et l’exigibilité de l’intégralité des sommes restant dues, sans contestation possible« .

Après expertise, les consorts X ont assigné la société A., en paiement de sommes à titre de restitution des frais de démolition, de reconstruction et des pénalités de retard, et à titre subsidiaire, pour voir constater l’exercice de leur droit de rétractation sur le fondement de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation au terme duquel :

« Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.

Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s’appliquent qu’à ce contrat ou à cette promesse.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n’est pas précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l’acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours« .

La Cour d’appel de Montpellier a estimé qu’en l’espèce que :

« l’article 12 des conditions particulières du contrat de construction de maison individuelle prévoit que « toute prise de possession ou emménagement avant la rédaction du procès-verbal de réception signé par le maître de l’ouvrage et le maître de l’œuvre, entraîne de fait la réception de la maison sans réserve et l’exigibilité de l’intégralité des sommes restant dues, sans contestation possible ». Cette clause du contrat assimile la prise de possession à une réception « de fait » et « sans réserve » alors que la réception suppose la volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage que la seule prise de possession ne suffit pas à établir. Cette clause, insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel, a donc pour effet de créer au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisqu’elle impose au maître une définition extensive de la réception, contraire à la loi, ayant pour effets annoncés de rendre immédiatement exigibles les sommes restant dues et de priver le maître du bénéfice du délai d’ordre public de 8 jours pour dénoncer les désordres apparents non signalés au jour de la réception. Cette clause doit être réputée non écrite« (CA Montpellier, 27-06-2013, n° 12/08539).

La société A a formé un pourvoi en cassation en arguant qu’une telle clause relève de la liberté contractuelle et ne pouvait donc être écartée par le juge.

Que de ce fait, la Cour d’appel de Montpellier aurait notamment violé les dispositions de l’article 1134 du Code civil, disposant :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi« .

Tel n’a pas été l’avis de la haute juridiction, selon laquelle :

« attendu qu’ayant relevé que la clause litigieuse assimilait la prise de possession à une réception « de fait » et « sans réserve » alors que la réception suppose la volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage que la seule prise de possession ne suffit pas à établir, la cour d’appel a, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, retenu, à bon droit, que cette clause, qui, insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel, crée au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisqu’elle impose au maître de l’ouvrage une définition extensive de la réception, contraire à la loi, ayant pour effet annoncé de rendre immédiatement exigibles les sommes restant dues, devait être réputée non écrite ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé’ (Cass. civ. 3, 06-05-2015, n° 13-24.947)

Ainsi, la Cour de cassation affirme encore davantage sa jurisprudence visant à équilibrer les rapports entre les professionnels de la construction et les maîtres d’ouvrage profanes.

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Pas de production de la décision dont la suspension est demandée en cas de référé liberté

La production de la décision contestée par le requérant n’est pas obligatoire en cas de référé-liberté. Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 4 mai 2016.

L’article L. 521-2 du Code de justice administrative dispose :

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures« .

La rapidité de la procédure a conduit le juge administratif à dispenser le requérant de produire la décision qu’il attaque.

C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 mai 2016 au terme duquel il précise que :

« la recevabilité d’une demande en référé présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 de ce code, justifiée par l’urgence et tendant à ce que le juge des référés ordonne à l’administration, sous quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle celle-ci aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ne saurait être soumise, eu égard à son objet et à ses modalités de mise en œuvre, à la condition que le requérant produise, lorsque celle-ci existe, la décision dont la suspension de l’exécution est demandée, ou justifie de l’impossibilité de la produire ; qu’en rejetant, pour ce motif, comme manifestement irrecevable la demande présentée par M. A…, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, M. A…est fondé à en demander l’annulation« (CE 7° s-s., 4 mai 2016, n° 396332).

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