Sur l’obligation du bailleur de notifier sa proposition de relogement à chaque époux pris individuellement en dépit du caractère unitaire du bail

Au terme des dispositions de l’article 1751 du Code civil :

« Le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation de deux époux, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage, ou de deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, dès lors que les partenaires en font la demande conjointement, est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité (…) ».

Il découle de cet article et de l’interprétation qui en est faite par la Cour de cassation, qu’une proposition de relogement n’est valide que dans la mesure où elle a été notifiée à chacun des époux pris individuellement.

C’est ce que la haute juridiction a rappelé dans un arrêt de février 2017.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. X, avait donné à bail aux époux Y une maison à usage d’habitation, laquelle avait été frappée d’un arrêté de péril portant interdiction d’habiter les lieux de façon immédiate et définitive.

Le locataire avait alors assigné M. X en réparation du trouble de jouissance subi par suite du manquement du bailleur à son obligation de relogement et de délivrance d’un logement décent.

Pour le débouter de ses demandes, la Cour d’appel avait retenu qu’une proposition de relogement avait été formulée par l’agence immobilière gestionnaire du bien de M. X à l’un des locataires, et que, compte tenu de l’unicité du bail liant les époux, en vertu des dispositions précitées, la proposition était satisfactoire (CA Aix-en-Provence, 26 février 2015, n° 14/08624).

Cette position, qui peut paraître logique, n’est pas celle de la Cour de cassation qui estime que :

« la proposition du relogement de la famille consécutive à un arrêté d’insalubrité portant interdiction d’habiter les lieux donnés à bail doit être adressée par le bailleur à chacun des époux cotitulaires du bail » (C. Cass,  civ. 3, 9 février 2017, n° 16-13.260).

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Sur la date à retenir s’agissant de l’expiration du mandat du syndic dans le cadre de la tenue d’une assemblée générale de copropriété

Il est de jurisprudence constante qu’il appartient au syndic de convoquer l’assemblée générale des copropriétaires avant l’expiration de son mandat, sous peine de nullité de cette dernière (voir notamment en ce sens C. Cass. civ. 3, 12 septembre 2006, n° 05-15.987).

La question a pu être posée de savoir quel était la date à prendre en compte pour constater l’expiration du mandat.

S’agissait-il de la tenue de l’assemblée générale, de la réception ou de l’envoi de la convocation ?

Autant de question qui ont pu nourrir un important contentieux judiciaire.

La question est aujourd’hui tranchée de manière claire, ainsi qu’est venu le rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 19.10.2017.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

M. et Mme X, avaient assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic en annulation des décisions votées lors d’une assemblée générale au motif qu’elle n’avait pu être n’est valablement convoquée puisque le mandat du syndic avait expiré au moment de la réception de la convocation à ladite assemblée.

Déboutés par la Cour d’appel, ils avaient saisi la Cour de cassation en réformation de cet arrêt

La Haute juridiction a approuvé le raisonnement de la Cour en retenant qu’il importait peu que le mandat du syndic ait expiré au jour de l’assemblée générale ou de la réception de la convocation :

« Mais attendu qu’ayant constaté que M. et Mme X… avaient été convoqués à l’assemblée générale du 1er décembre 2011 par lettre du 26 octobre 2011, antérieurement à l’expiration du mandat du syndic intervenue le 28 octobre 2011, et exactement retenu qu’il importait peu que ce mandat eût expiré le jour de l’assemblée générale ou celui auquel M. et Mme X… eussent réceptionné cette convocation, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision » (C. Cass, civ. 3, 19 octobre 2017, n° 16-24.646).

Ainsi, la date qui doit être prise en compte pour constater l’expiration, ou non, du mandat du syndic lors de la convocation, est celle de la convocation.

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Sur les conséquences de la notification d’une promesse de vente entre les mains d’une personne n’ayant pas de mandat de l’acquéreur

Au terme des dispositions de l’article L 271-1 du Code de la construction :

« Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.

Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s’appliquent qu’à ce contrat ou à cette promesse.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n’est pas précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l’acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours ».

Cet article, bien connu des professionnels de l’immobilier, est pensé comme une protection au bénéfice de l’acquéreur, lequel bénéficie d’un délai pour renoncer à l’acquisition d’un bien pour lequel il avait contracté.

Il convient de souligner que ladite rétractation ne vaudra que pour un immeuble à usage d’habitation, étant entendu que ledit usage est déterminé par la destination réelle et effective du bien, et non par les stipulations de l’acte de construction ou d’acquisition qui porte sur lui.

Cette précision étant faite, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 12.10.2017, rappelé les contours de l’application de l’article susvisé et plus particulièrement les conséquences découlant d’une notification de l’acte d’engagement faite entre les mains d’une personne n’ayant pas reçu directement mandat de l’acquéreur.

La sanction est extrêmement lourde pour le vendeur:

  1. L’acte de notification est entaché d’une irrégularité ;
2. Cette irrégularité fait obstacle à l’application du délai de rétractation bénéficiant à l’acquéreur. En d’autres termes, l’acheteur n’est pas enfermé dans le délai de 10 jours pour revenir sur sa décision ;
3. La clause pénale insérée à l’acte ne peut donc trouver à s’appliquer.

En l’espèce la notification de la promesse de vente avait été faire non entre les mains de l’acquéreur, M. X, mais de sa mère.

La haute juridiction a alors rappelé que :

 « attendu, d’une part, qu’ayant relevé que l’acte du 24 mai 2013 portait sur la vente d’un immeuble à usage d’habitation, la cour d’appel, devant laquelle il n’était pas soutenu que M. X… fût un acquéreur professionnel, en a déduit à bon droit que l’acquéreur bénéficiait du délai de rétractation prévu par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que n’était pas établie l’existence d’un mandat au profit de la mère de l’acquéreur pour recevoir l’acte de notification de la promesse de vente, la cour d’appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que, la notification de la promesse n’étant pas régulière, le délai de rétraction n’avait pas couru, de sorte que la clause pénale n’était pas due » (C. Cass, civ 3ème, 12.10.2017, n° 16-22.416).

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Quelques précisions sur les contours de la mission de l’administrateur provisoire de copropriété

Aux termes des dispositions de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 :

« Lorsqu’à la clôture des comptes les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles en vertu des articles 14-1 et 14-2, le syndic en informe le conseil syndical et saisit sur requête le juge d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc. Pour les copropriétés de plus de deux cents lots, le pourcentage des impayés déclenchant la saisine est fixé à 15 %.

En l’absence d’action du syndic dans un délai d’un mois à compter de la clôture des comptes, le juge peut être saisi d’une même demande par :

1° Des copropriétaires représentant ensemble au moins 15 % des voix du syndicat ;

2° Un créancier lorsque les factures d’abonnement et de fourniture d’eau ou d’énergie ou les factures de travaux, votés par l’assemblée générale et exécutés, restent impayées depuis six mois et si le créancier a adressé au syndic un commandement de payer resté infructueux ;

3° Le représentant de l’Etat dans le département ou le procureur de la République près le tribunal de grande instance ;

4° Le maire de la commune du lieu de situation de l’immeuble ;

5° Le président de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble.

(…) ».

L’administrateur provisoire peut se faire assister d’un tiers lorsque les particularités de sa mission le requièrent,.

Il propose alors au juge un nom , étant précisé que le magistrat n’est pas lié par la proposition qui lui est faite.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a rappelé les contours de l’intervention de l’administrateur provisoire, en matière de prorogation et d’assistance.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Une ordonnance du 12 octobre 2009 avait désigné, pour une durée d’un an, M. R. en qualité d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires à l’effet de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété ; la mission de l’administrateur provisoire avait été prorogée par 3 ordonnances successives.

Deux copropriétaires avaient assigné le syndicat aux fins d’obtenir la rétractation des ordonnances au double motif que :

– l’ancien syndic de copropriété avait été désigné pour assister l’administrateur provisoire ;

– après l’expiration de son mandat initial, l’administrateur provisoire n’avait plus aucune qualité pour agir au nom du syndicat des copropriétaires et donc pour solliciter la prorogation de sa mission.

La haute juridiction, a rejeté ces arguments en rappelant que l’ancien syndic était légitime à soutenir l’administrateur provisoire :

«  attendu qu’ayant exactement retenu que l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que l’administrateur provisoire peut, lorsque le bon déroulement de sa mission le requiert, se faire assister par un tiers désigné par le juge sur sa proposition et que la décision appartient au seul président du tribunal, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, et en a justement déduit que M. et Mme Y…ne pouvaient tirer aucune cause de nullité ou d’irrégularité de la désignation de la société Corum immobilier » (C. Cass 3, 9.11.2017, n° 15-10.807)

Il est également rappelé que l’administrateur provisoire peut demander la poursuite de sa mission même une fois le délai qui lui était alloué expiré :

« attendu qu’ayant retenu que le président du tribunal pouvait à tout moment proroger la mission de l’administrateur provisoire, la cour d’appel a décidé, à bon droit, qu’aucune disposition n’interdisait à M. X…de demander la poursuite de sa mission expirée depuis moins d’un mois lors du dépôt de sa requête » (C.Cass, précité).

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